L’Afrique est à Bruxelles avec plus de 40 dirigeants politiques africains devaient retrouver leurs homologues européens pour relancer un partenariat, miné par l’instabilité sur un continent pourtant prometteur. Pour l’Europe, il s’agit aussi de ne pas se laisser distancer par la Chine et ses ambitions dévorantes.
Le Portugal a déjà pris la mesure de l’aubaine que représentent ses anciennes colonies pour son économie fatiguée par la crise et l’austérité. Quitte à choquer parfois les défenseurs des droits de l’homme.
Le premier ministre de centre droit, Pedro Passos Coelho, s’est encore rendu les 26 et 27 mars au Mozambique, richement doté en gaz, pour y signer 16 accords commerciaux.
Lisbonne resserre aussi les liens avec la Guinée équatoriale, gros producteur de pétrole, qui pourrait, selon le ministre des affaires étrangères, Rui Machete, rejoindre la Communauté des pays de langue portugaise (CPLC).
Ce privilège lui avait été refusé en 2012 faute de respect des droits de l’homme. Aujourd’hui, le président Teodoro Obiang fait partie des chefs d’Etat les plus fortunés d’Afrique quand, dans son pays, un enfant sur dix, selon l’Unicef, meurt avant l’âge de cinq ans. Son fils a été mis en examen, le 18 mars, en France dans l’affaire des biens mal acquis.
Mais peu importe. Le gouvernement de Guinée équatoriale a signé un accord pour prendre une participation dans la Banif, banque portugaise renflouée par l’Etat.
MACHINE À LAVER L’ARGENT VOLÉ AU PEUPLE ANGOLAIS
C’est surtout à l’Angola que le Portugal ouvre grand ses bras. A ce pays gorgé de pétrodollars, classé par Transparency International 153e (sur 177) sur la liste des pays les plus corrompus de la planète, et dont José Edouardo Dos Santos, est l’indéboulonnable président depuis 1979.
Depuis la crise, des milliers de jeunes diplômés portugais ont émigré à Luanda pour fuir le chômage. De son côté, l’Angola a investi dans plus d’une vingtaine de sociétés portugaises cotées ou non, en allant de Galp (pétrole) aux banques (Bic, BCP, BPI) en passant par les télécoms (Unitel), les médias (Cofina, Impresa) et l’agroalimentaire (Cofaco, Vinho benigno), indique Celso Filipe, auteur d’un livre d’enquête sur le pouvoir financier de l’Angola au Portugal.
Dix à quinze milliards d’euros auraient été injectés dans l’économie portugaise, estime-t-il.
Derrière l’Angola, on trouve surtout les proches de M. Dos Santos : sa fille, milliardaire, Isabel Dos Santos, Manuel Vicente, son vice-président, et le « général Kopelipa », Manuel Hélder Vieira Dias.
Bientôt, le visage de José Filomeno Dos Santos, le fils du président devrait apparaître aussi puisqu’il a pris, en juin 2013, la tête du fonds souverain angolais, doté de 5 milliards de dollars (3,6 milliards d’euros).
L’objectif de ces investissements fait peu de mystère: faire fructifier l’argent du pétrole et s’acheter une influence. « Avant son élection présidentielle de 2012, l’Angola a cherché à se faire une bonne réputation », présume M. Filipe.
En attendant, le Portugal est « complice » d’un régime qui méprise son peuple, juge le militant anticorruption Rafael Marques de Morais, à la tête du blog Maka Angola. « Le Portugal se transforme en une machine à laver l’argent volé au peuple angolais! », accuse-t-il.
Il n’est pas interdit de croire que M. Dos Santos redistribue une partie de cette richesse au peuple. Mais, après trente-quatre ans de pouvoir, M. Marques de Morais s’impatiente, et doute… (Le Monde)