Puissance, écologie, éthique: l’intelligence artificielle (IA) à la française a devant elle un cahier des charges exigeant, tracé par la nouvelle secrétaire d’Etat à l’Intelligence artificielle et au Numérique Clara Chappaz, qui a présenté sa feuille de route.
« Nous avons les atouts pour pouvoir faire de la France une grande puissance de l’intelligence artificielle », assure Clara Chappaz, nommée fin septembre, à l’AFP.
Anciennement à la tête de la mission French Tech, rattachée à Bercy et chargée de soutenir la croissance des start-up françaises, la première secrétaire d’Etat à être affublée d’un portefeuille dédié à l’IA semble avoir largement embrassé sa mission.
Pour elle, l’enjeu est « déterminant, non seulement d’un point de vue économique, d’un point de vue de la compétitivité, d’un point de vue de l’attractivité (…) mais aussi d’un point de vue politique ».
Présente jeudi soir à l’inauguration des bureaux parisiens d’OpenAI, le créateur de ChatGPT, elle y a vu le signe d’une « très belle reconnaissance » pour « l’écosystème d’intelligence artificielle le plus attractif en Europe ».
Mais « avoir des technologies d’intelligence artificielle propres, c’est pouvoir porter une certaine vision du monde », souligne Clara Chappaz, s’appuyant sur les préconisations du rapport Draghi sur la relance de l’innovation européenne.
Placée sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, une nouvelle disposition qui avait créé l’étonnement après des années de rattachement au ministère de l’Economie, elle y voit au contraire le socle de la puissance française dans le domaine.
La secrétaire d’Etat égrène ainsi les noms de « talents » formés dans les universités et grandes écoles françaises: Yann Le Cun, directeur scientifique de l’IA chez Meta, maison mère de Facebook et Instagram, Mistral, la start-up française qui rêve de concurrencer OpenAI, ou H, autre jeune pousse qui a levé 220 millions d’euros en août.
« On a des talents ambitieux qui ont envie de lancer un certain nombre d’entreprises qui déploient des solutions mais il leur faut aussi l’infrastructure pour pouvoir avancer », déclare Clara Chappaz, en s’engageant à continuer de soutenir les data centers et supercalculateurs.
Si la secrétaire d’Etat dit aussi compter sur le secteur privé pour soutenir l’innovation, la France demeurera fatalement très loin derrière les financements records engagés outre-Atlantique pour doper la croissance des entreprises de la tech.
Mais pas question de s’engager dans une concurrence frontale avec les États-Unis, selon elle. La membre du gouvernement veut ouvrir « une troisième voie de l’intelligence artificielle », qui rimerait avec éthique, frugalité et inclusivité.
– Sommet mondial –
Une vision qu’elle espère porter au sommet mondial sur l’intelligence artificielle qui se tiendra à Paris les 10 et 11 février.
« On ne peut pas laisser une technologie qui a des impacts aussi fondamentaux sur le monde économique et la société ne pas être au service du progrès et au service de toutes et tous », martèle-t-elle.
Si le programme précis du sommet n’a pas encore été dévoilé, la secrétaire d’Etat y défendra la vision d’une intelligence artificielle plus responsable et plus « frugale ».
Invitée au salon AI Pulse à Paris début novembre, Clara Chappaz avait mis en avant la question de l’impact écologique de cette technologie très énergivore.
« Je pense qu’il va devenir très important de savoir comment alimenter ces modèles (d’intelligence artificielle) avec une énergie verte, comment s’assurer que nous continuons à encourager l’utilisation de cette technologie sans endommager la planète. »
Question rhétorique pour celle qui compte notamment sur l’énergie française, « l’une des plus vertes au monde », pour atténuer le bilan carbone de l’IA.
Mais Clara Chappaz assure aussi ne pas seulement défendre les intérêts français, avec un discours opposé au monopole des mastodontes de la tech, essentiellement américains.
La secrétaire d’Etat s’est fixé un cap: « Ne pas concentrer les gains évidents (…) aux mains des pays qui auraient les plus gros acteurs mais s’assurer qu’on peut collectivement prendre des engagements concrets pour que tous les pays, aussi bien du Sud que du Nord, puissent tirer parti de cette technologie. »
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