La guerre des brevets continue.
Un tribunal allemand a interdit mercredi la commercialisation des produits Microsoft à la demande de Motorola, une décision sans effet concret mais qui place une nouvelle fois l’Allemagne à l’épicentre de la guerre internationale des brevets informatiques.
Le propriétaire du système d’exploitation Windows et de la console de jeux Xbox va faire appel, a précisé un porte-parole de Microsoft. Et les Allemands pourront continuer à acheter des produits Microsoft, a-t-il assuré, parce que le jugement prononcé par le tribunal régional de Mannheim (sud-ouest) n’est pas définitif.
Par ailleurs, le géant américain des logiciels avait anticipé et décidé début avril de fermer son centre logistique allemand, le délocalisant aux Pays-Bas d’où il peut approvisionner toute l’Europe.
Dans le détail, le tribunal a donné raison en première instance à l’américain Motorola, concepteur de téléphones et tablettes désormais contrôlé par Google, dans une bataille planétaire à propos d’un format de compression vidéo très répandu (« H.264 »).
Ce format est l’un de ces brevets dit « essentiels ». Leurs détenteurs doivent les mettre à disposition à des conditions « équitables, raisonnables et non discriminatoires » (ou FRAND en anglais, pour « fair, reasonable and non-discriminatory »), sous peine d’étouffer la concurrence.
Or pour Microsoft, qui a également porté l’affaire en tandem avec Apple devant la Commission européenne, Motorola ne respecte pas ces engagements.
« Le problème, c’est que personne ne sait ce que sont concrètement des conditions +raisonnables+ », explique à l’AFP Joachim Henkel, professeur à l’Université technique de Munich (sud).
Motorola, en mauvaise posture économique mais au riche portefeuille de brevets, « n’a aucun intérêt à ce que Microsoft arrête de vendre. Il s’agit de demander le plus d’argent possible », poursuit-il.
Ce n’est pas la première fois que la justice allemande prononce une interdiction spectaculaire.
En septembre, un tribunal avait bloqué la commercialisation de la Galaxy Tablet 10.1 du sud-coréen Samsung, arguant qu’elle copiait l’iPad de Apple. Et Motorola a réussi récemment à faire interdire en Allemagne une fonctionnalité de synchronisation d’emails pour les iPad et iPod d’Apple.
« L’Allemagne est l’un des principaux champs de bataille » de la guerre internationale des brevets informatiques car « il y est beaucoup plus facile qu’ailleurs d’obtenir une interdiction de vente en référé », indique à l’AFP Sascha Pallenberg, blogueur spécialisé dans l’informatique.
Pour lui, « nous sommes dans un cercle vicieux, une attaque en justice d’un brevet entraîne une contre-attaque à propos d’un autre brevet ».
L’expert assure toutefois que ces procédures à foison « sont une façon de montrer ses muscles car au final, tous vont s’assoir autour d’une table et trouver des accords à l’amiable ».
Dans ce secteur des hautes technologies, le pragmatisme est en effet de mise car « un ordinateur fonctionne avec des dizaines de milliers de brevets, il est impossible pour un fabricant de les posséder tous », fait valoir M. Henkel.
Et pour l’essentiel « l’ambiance est plutôt pacifique entre grands noms de l’informatique, on ne se bat que sur peu de brevets », poursuit-il, « contrairement aux laboratoires pharmaceutiques qui, s’ils inventent un antibiotique, vont défendre farouchement leur exclusivité ».
Ce qui ne l’empêche pas de s’interroger sur la capacité du droit des brevets, hérité de la révolution industrielle, à répondre à tous les défis posés par les hautes technologies: « Pour simplifier: ce droit repose sur l’idéal d’Edison et de l’invention de l’ampoule électrique. Mais aujourd’hui tout va plus vite et les produits sont beaucoup plus complexes ».(AFP)