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Le Brésil s’enfonce lentement dans le chaos politique

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Mar 18, 2016 , ,
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Le Brésil s’enfonce lentement dans le chaos politique: la justice a suspendu l’entrée de l’ex-président Lula au gouvernement et les députés ont lancé la procédure de destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff, sur fond de manifestations de rue.

C’est la gauche qui va mobiliser ses forces, cinq jours après les manifestations anti-Rousseff ayant rassemblé trois millions de Brésiliens. Le Parti des travailleurs (PT, au pouvoir), la Centrale unique des travailleurs (CUT) et d’autres mouvements ont convoqué des manifestations dans plus de 30 villes.

Jeudi, le géant émergent d’Amérique latine a semblé vaciller, avec dans les rues des tensions émaillées d’escarmouches entre partisans et adversaires de la présidente, séparés par la police.

En soirée, des milliers de personnes ont continué de manifester à Sao Paulo et Brasilia, où elles s’étaient massées devant la présidence et le Congrès, poussant la police à intervenir à coups de gaz lacrymogène et bombes assourdissantes.

Les tensions pourraient se prolonger vendredi, notamment à Sao Paulo où une vingtaine de tentes ont été installées par des opposants sur l’avenue Paulista, l’un des axes principaux de la ville.

« Nous allons manifester comme cela s’est fait en Ukraine. Nous ne sortirons pas d’ici jusqu’à ce que Dilma soit tombée », a déclaré à l’AFP Cristiane Galvao, 44 ans, qui comme plusieurs dizaines d’autres manifestants a passé la nuit devant le siège de la puissante Fédération de l’industrie (Fiesp) pavoisée d’une immense banderole réclamant « Impeachment Ja » (destitution maintenant).

Face au risque de confrontation, les organisateurs des marches pro-gouvernementales ont souligné le « caractère pacifique » de leurs manifestations et appelé les forces de sécurité à « garantir le droit de tous » à s’exprimer.

La Bourse de Sao Paulo a bondi de 6,6%, les marchés voyant dans ces événements les signes avant-coureurs de la chute d’un gouvernement paralysé en pleine récession économique.

« Les cris des putschistes ne vont pas me faire dévier de mon cap », avait lancé jeudi Dilma Rousseff pendant la cérémonie de prise de fonction de son prédécesseur (2003-2010) et mentor, Luiz Inacio Lula da Silva.

A peine intronisé chef de cabinet (quasi Premier ministre), ce dernier a vu sa nomination suspendue par un juge de Brasilia, qui l’estimait susceptible de constituer un délit d’entrave à la justice de la part de la présidente, dans la mesure où Lula échappait ainsi à la menace d’un placement en détention provisoire dans l’enquête sur le scandale Petrobras, dans laquelle il est visé pour « corruption » et « blanchiment d’argent ».

Un tribunal de Brasilia a annulé jeudi soir la suspension de l’entrée au gouvernement de Lula, sans effet concret car un autre juge, de Rio de Janeiro, a entretemps ordonné en référé une suspension identique.

La diffusion mercredi de l’écoute d’une conversation entre la présidente et Lula avait fait l’effet d’une bombe, déclenchant des manifestations d’indignation dans les rues. Dans l’enregistrement, Dilma Rousseff expliquait qu’elle allait lui faire rapidement parvenir son décret de nomination pour qu’il s’en serve « seulement en cas de nécessité », ce que beaucoup ont interprété comme une allusion à une arrestation.

L’entrée en fonction de Lula « peut impliquer une intervention indue et condamnable de M. Luiz Inacio Lula da Silva dans l’exercice par la police, le ministère public et le pouvoir judiciaire de leurs activités. Elle implique une intervention directe » de Dilma Rousseff dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire, a estimé le juge dans son ordonnance.

Dilma Rousseff s’est insurgée contre les méthodes du juge fédéral Sergio Moro, chargé de l’enquête Petrobras, qui a rendu public l’enregistrement.

Lula, l’homme du miracle socio-économique brésilien des années 2000, attendu comme le Messie par un gouvernement au bord du naufrage, est resté muet jeudi.

Dans l’après-midi, les députés ont lancé la procédure de destitution de Mme Rousseff: ils ont élu une commission spéciale de 65 parlementaires, chargée de rédiger un rapport préconisant – ou non – sa destitution.

Ce rapport sera soumis à l’Assemblée plénière du Congrès des députés, où un vote des deux tiers (342 sur 513) serait nécessaire pour prononcer la mise en accusation de la présidente devant le Sénat. Dans le cas contraire, la procédure serait enterrée.

En cas de mise en accusation, Dilma Rousseff serait provisoirement écartée de ses fonctions, pendant 180 jours au maximum. Il faudrait ensuite les deux tiers des sénateurs (54 sur 81) pour la destituer, faute de quoi elle reprendrait immédiatement ses fonctions.

Cette procédure, déjà déclenchée en décembre par l’opposition, avait été freinée par le Tribunal supérieur fédéral, qui en a définitivement fixé les modalités mercredi.

L’opposition accuse le gouvernement Rousseff d’avoir maquillé les comptes publics de 2014, en pleine campagne présidentielle, pour minimiser l’impact de la crise et favoriser sa réélection.

Sa coalition issue des législatives de 2014, forte de 314 députés (61,2%), la prémunissait contre un vote hostile des deux tiers des membres de la chambre basse. Mais elle s’est considérablement délitée à mesure que le Brésil plongeait dans la crise. Nul n’est capable aujourd’hui de mesurer le rapport de forces.

D’autant que le grand parti centriste PMDB, pilier de sa coalition parlementaire, s’est donné samedi 30 jours pour décider s’il quittait ou non le gouvernement.

Dilma Rousseff dénonce depuis le début une tentative de « coup d’Etat » institutionnel d’une opposition n’acceptant pas sa défaite électorale de 2014. Selon les derniers sondages, 60% des Brésiliens sont favorables à la destitution de Mme Rousseff. (AFP)

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