video – Une tragédie culturelle et un crime symbolique. La plus ancienne institution scientifique du pays, le plus grand musée d’histoire naturelle d’Amérique Latine, abritait en outre en son cœur «Luzia» : fossile humain vieux de 12 000 ans, ancêtre le plus lointain que l’on ait découvert au Brésil, acre vertige pour un peuple que de se réveiller sans Histoire.
Suite au gigantesque incendie, ne restent que quelques pierres et céramiques sur les 20 millions de pièces inestimables, notamment archéologiques et paléontologiques, qui sont réduites en cendres. Et avec elles un immense patrimoine historique sur les civilisations afro-brésiliennes et les Amérindiens de l’époque pré-colombienne.
Devant des étudiants et des chercheurs endeuillés, rassemblés devant le bâtiment hier, on exhumait des décombres les rares objets survivants applaudis au milieu des larmes.
Des larmes de colères. Car s’il n’y a pas eu de victime, si l’incendie reste d’origine inconnu, la négligence, elle, est criminelle. Comme le souligne un éditorialiste du journal O Globo: «depuis 2014 les coupes budgétaires successives ont fini par avoir raison des dépenses d’entretiens».
Imaginez que le bâtiment ne disposait même pas d’un système d’extincteurs automatiques en état de fonctionnement et que les deux bouches d’incendie situées à l’extérieur du musée étaient vides. En juin c’est une institution à l’agonie qui fêtait ses 200 ans, avec de nombreuses salles fermées, et des moyens si maigres que les portes furent temporairement closes en 2015, faute de pouvoir payer les employés.
Cadeau de bicentenaire, un budget avait bien été débloqué pour effecteur les travaux urgents de rénovations et de remises aux normes, mais on en n’avait pas vu la couleur. Selon Alexandre Keller le directeur de musée, «la population doit s’indigner, car une partie de cette tragédie aurait pu être évité».
C’est bien la disparition d’un Etat Culturel qui est en cause. Il y a deux ans le gouvernement intérimaire avait même supprimé un temps le ministère pleinement dédié à la culture. Sa remise en place n’aura rien changé.
Artistes et intellectuels dénoncent régulièrement cette régression, à l’instar de Chico César, chanteur populaire brésilien et ancien chargé de la culture dans son état du Nordesté.
Pour lui «après les grandes avancées qu’a connues un pays où Gilberto Gil était ministre de la culture, aujourd’hui le ministère de la Culture n’a plus la moindre importance». Sans oublier cette ligne conservatrice qui renie dans les expositions et les concerts la liberté d’expression conquise par les femmes, les Noirs, la communauté LGBT et les plus pauvres.
A propos de l’incendie du Musée National de Rio, l’éditorialiste d’O Globo que j’évoquais plus haut parle d’ «un crime contre le passé » et « contre les générations futures», il est aussi une sonnette d’alarme à quelques mois des présidentielles. De ces cendres pourrait naître une révolte incandescente.
Après l’incendie du Musée national de Rio, des milliers de Brésiliens expriment leur colère