Les créanciers du Portugal entament un nouvel examen du programme de rigueur du pays sous perfusion financière, au moment où patronat et syndicats sont unanimes à dénoncer une cure d’austérité qui pèse sur la reprise fragile de l’économie.
Le retour de la troïka (UE-FMI-BCE) intervient une semaine après l’adoption par le Parlement d’un budget d’une rigueur exceptionnelle pour 2014, qui a donné lieu à une vague de grèves et manifestations des fonctionnaires, principale cible des mesures.
Mais le secteur privé aussi a exprimé son ras-le-bol face à une économie qui continue à battre de l’aile et un taux de chômage toujours très élevé (15,6%) malgré une légère embellie.
« Ce n’est pas en diminuant les salaires, comme le suggèrent certains éléments de la troïka, que l’on va faire repartir l’économie », s’est emporté Antonio Saraiva, président de la Confédération des entreprises portugaises qui redoute « une baisse brutale de la consommation des ménages ».
Les experts du Fonds monétaire international sont notamment favorables à une baisse du salaire minimum (actuellement de 485 euros) pour les jeunes pour favoriser l’embauche de chômeurs.
« Une politique de bas salaires est inacceptable. Nous espérons que le gouvernement fera valoir ce point de vue auprès de la troïka », a déclaré Lucinda Damaso, présidente du syndicat UGT, lundi à l’issue d’une réunion de concertation avec le gouvernement.
Une fois n’est pas coutume, la très austère ministre des Finances Maria Luis Albuquerque a dit partager l’avis des syndicats, estimant que les salaires ont déjà assez baissé dans le secteur privé: « sur ce point, nous avons une divergence de vues avec le Fonds monétaire international ».
Fort du succès de son échange de dette de 6,6 milliards d’euros réalisé sur les marchés la veille de l’arrivée de la troïka, le gouvernement portugais peut désormais aborder les négociations avec ses créanciers avec plus de sérénité.
« Le Portugal est maintenant en meilleure posture pour négocier avec la troïka, car l’échange de dette a montré que le marché lui accorde un grand satisfecit », a commenté David Schnautz, analyste de Commerzbank.
« L’opération augmente les chances de voir le Portugal retourner pleinement sur les marchés » à la fin de son programme d’aide en juin 2014, a renchéri Paula Carvalho, économiste de la banque BPI.
Incertitudes sur le budget
Pour échapper à l’humiliation d’un deuxième plan de sauvetage assorti de conditions sévères, Lisbonne cherche à reconquérir la confiance des investisseurs.
Le Portugal a reçu 71,4 milliards d’euros sur le total des 78 milliards d’euros accordés par l’Union européenne et le FMI. En cas d’examen réussi, Lisbonne obtiendra une nouvelle tranche de crédit de 2,7 milliards d’euros.
Mais des incertitudes continuent à peser sur la capacité du gouvernement à mettre en oeuvre les mesures d’austérité de 3,9 milliards d’euros prévues par le budget 2014. Leur sort est désormais entre les mains des treize juges de la Cour constitutionnelle.
Saisie par le président Anibal Cavaco Silva, la Cour doit se prononcer prochainement sur un projet phare du budget, les coupes de près de 10% dans les retraites des fonctionnaires.
En cas de verdict défavorable, le Portugal est tenu de proposer des mesures alternatives. Or, la marge de manoeuvre du gouvernement est très étroite, et certains analystes redoutent une nouvelle hausse des impôts, qui serait néfaste pour la reprise de l’économie.
« Il faut trouver le cas échéant de nouvelles mesures, mais nous n’avons pas discuté d’un plan B avec le gouvernement », a assuré Subir Lall, chef de la mission du FMI pour le Portugal.
Le scénario d’un rejet du budget par la justice a été évoqué à plusieurs reprises par les créanciers, qui ont prévenu qu’un tel verdict pourrait mettre en péril la sortie du Portugal de son programme d’assistance.(AFP)
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