Le juge chargé des poursuites du gouvernement américain contre Google a poussé les avocats des deux parties dans leurs retranchements jeudi, lors des plaidoiries finales du procès historique sur le monopole du moteur de recherche.
« Vous pensez vraiment que DuckDuckGo est un concurrent de Google? » a par exemple demandé Amit Mehta à l’avocat de Google, qui avait évoqué ce moteur de recherche alternatif, axé sur la confidentialité des données.
C’est la première des cinq affaires antitrust majeures en cours d’instruction opposant les autorités américaines aux géants de la tech à déboucher sur un procès. Des poursuites contre Meta, Amazon et Apple, ainsi qu’une plainte distincte contre les activités publicitaires de Google, se dirigent également vers les tribunaux fédéraux.
Le ministère de la Justice accuse Google d’avoir enfreint le droit de la concurrence en signant des contrats, qu’il estime illégaux, avec des entreprises comme Apple, pour que son outil déjà ultra dominant soit installé par défaut sur leurs appareils et services.
Le procès fleuve a ainsi permis de révéler que Google a déboursé 26 milliards de dollars l’année dernière pour rester le moteur de recherche par défaut sur divers smartphones et navigateurs internet. L’essentiel de cette somme a été versée à Apple.
« Effets réels »
Mais le juge a exprimé des doutes sur le fait que le gouvernement ait démontré que ces accords ne respectaient pas le droit de la concurrence américain.
Pour prouver que des pratiques sont anticoncurrentielles, il faut notamment qu’elles aient entraîné une hausse des prix pour les consommateurs, ou encore l’étouffement de l’innovation dans le domaine concerné.
Il semble « difficile d’affirmer que Google n’a pas suffisamment innové », a souligné Amit Mehta.
Il y a plus de vingt ans, le procès contre Microsoft et la domination du système d’exploitation Windows a contribué à définir juridiquement comment une plateforme technologique abuse illégalement de son monopole pour punir ses rivaux.
Mais le juge a estimé que les deux affaires sont différentes, Microsoft avait imposé des accords d’exclusivité visant à exclure les produits concurrents.
« L’utilisateur d’un iPhone a la possibilité de télécharger et d’utiliser des applications concurrentes », a rappelé M. Mehta.
« Il faut démontrer l’existence d’effets anticoncurrentiels réels. (…) Si vous n’y parvenez pas, vous perdez », a-t-il encore assené aux avocats du gouvernement.
Le juge a également mis en doute la défense de Google, se demandant comment un moteur de recherche rival aurait la capacité de payer le prix fort à Apple pour obtenir une position privilégiée sur ses appareils.
Définir le marché
« Même s’ils arrivent à un niveau de qualité suffisant, ils devraient ensuite dépenser des milliards de dollars supplémentaires pour compenser Apple », a déclaré M. Mehta.
Google a par ailleurs assuré que les recherches effectuées sur Amazon, Facebook ou encore Expedia (voyagiste) relevaient de la concurrence à son moteur de recherche, une affirmation également questionnée par le juge.
Si l’activité sur ces sites web était prise en compte pour définir le marché de la recherche sur internet, cela mettrait à mal l’argumentation du gouvernement.
Pour les autorités de la concurrence, le marché pertinent est celui des recherches générales des internautes – Google en détient 80% aux Etats-Unis.
L’audience va continuer vendredi à Washington. Elle a lieu plus de six mois après la fin du procès et une décision n’est pas attendue avant la fin de l’été ou l’automne.
C’est la première fois que les autorités américaines de la concurrence affrontent une grande entreprise technologique devant un tribunal depuis que Microsoft a été pris pour cible.
Lors des audiences à l’automne dernier, le PDG de Google, Sundar Pichai, et d’autres cadres supérieurs ont été appelés à la barre. M. Pichai a mis en avant la mission de sa société selon lui : rendre l’information « universellement accessible et utile » à tous.