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Face à la Russie, la Finlande veut son nouveau rideau de fer

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Plus de 30 ans après la fin de la Guerre froide, la Finlande prévoit d’ériger des dizaines de kilomètres de barrières et de barbelés à sa frontière avec la Russie, en conséquence de l’invasion de l’Ukraine par Moscou.

En pleine adhésion à l’Otan, la Première ministre Sanna Marin a annoncé cette semaine disposer d’un large soutien au Parlement pour installer de hautes clôtures métalliques sur 10 à 20 % de sa frontière de près de 1.300 kilomètres avec la Russie, un chantier à plusieurs centaines de millions d’euros.

Actuellement – et même au temps de l’URSS – la Finlande n’a que de maigres clôtures existantes en bois, principalement conçues pour éviter que le bétail ne franchisse la limite.

Helsinki veut aujourd’hui construire des barrières plus hautes, faites d’un grillage solide et surmontées de barbelés courant le long d’une route. Officiellement pour se protéger d’un scénario d’afflux migratoire, comme à la frontière entre le Bélarus et l’Union européenne l’an dernier.

« J’espère que le chantier pourra commencer aussi vite que possible », a déclaré Sanna Marin.

De la Pologne à l’Estonie en passant par la Lettonie, plusieurs autres pays de l’Union européenne ont déjà musclé ou prévoient de renforcer leur frontière terrestre avec la Russie.

Les gardes-frontières finlandais ont eux jugé « nécessaire » d’ériger entre 130 et 260 kilomètres de clôture dans les zones réputées cruciales, notamment dans le sud-est du pays qui concentre la plupart des passages à la frontière.

Depuis l’ordre de mobilisation pour la guerre en Ukraine du président Vladimir Poutine en septembre, la Finlande a connu un afflux de citoyens russes, jusqu’à ce que le pays ne décide de sévir et restreigne drastiquement les entrées.

Le projet, estimé à « plusieurs centaines de millions d’euros », sera d’abord entamé sur quelques kilomètres de zone pilote avant que la barrière ne soit totalement érigée d’ici trois ou quatre ans.

La clôture ne couvrira pas la totalité de la frontière, qui se trouve en grande partie sur des terrains boisés et éloignés des zones habitées.

Mais selon les gardes-frontières, elle aidera à détecter de grands groupes et concentrer les intrusions à des zones plus petites et plus gérables.

Bien que le gouvernement soit soutenu politiquement dans son projet, certains experts doutent des objectifs d’une telle construction.

« Je pense que cette barrière relève d’une réaction d’émotion à la guerre », déclare à l’AFP Olga Davydova-Minguet, une experte de la Russie et des problématiques frontalières.

Elle « renforce l’image du Russe comme source inquiétante de menaces » et la « sensation de danger au delà de la frontière dont il faut se tenir à distance ».

Frontière poreuse

Délimitation symbolique entre Est et Ouest, la limite finlando-russe a jusqu’ici été « une frontière très pragmatique et pratique », explique à l’AFP Jussi Laine, professeur de géographie humaine à l’université de Finlande orientale.

« Certains enfants ont pu aller à l’école du côté finlandais tout en ayant des parents vivant de l’autre côté de la frontière », poursuit-il.

Soumise à une neutralité forcée par Moscou après leur affrontement durant la Seconde guerre mondiale, la Finlande a traversé la Guerre froide avec l’objectif tacite de ne pas fâcher son puissant voisin.

Depuis les années 90 et la fin de l’URSS, des projets de développement de visas électroniques et de nouvelles liaisons ferroviaires avaient poussé à faire de la frontière russo-finlandaise une « frontière normale de l’Europe ».

« Dans le quotidien des gens, cela signifiait que la pertinence d’une frontière disparaîtrait », explique Jussi Laine.

La Finlande s’était aussi ces dernières années placée en médiatrice dans les relations entre l’Occident et la Russie.

Mais comme pour l’adhésion à l’Otan, la situation a radicalement changé avec la guerre en Ukraine.

Avant l’invasion, en novembre 2021, une première proposition de l’opposition centre-droit de construire une véritable barrière avait été rejetée, considérée comme populiste.

En juillet, cinq mois après le début de la guerre, le pays nordique avait déjà amendé sa loi pour permettre le projet.

Conçu à la base pour répondre à la menace « hybride » d’une crise migratoire organisée, ce dernier a évolué en l’expression d’une condamnation de la Russie, soulignent plusieurs analystes.

« Cette barrière a une valeur symbolique. Elle n’est pas basée sur une analyse rationnelle », estime Jussie Laine, qui s’inquiète de ses effets pervers.

Selon lui, si le travail des gardes-frontières pourrait être facilité, l’expérience « montrera clairement » que rendre la traversée des frontières plus difficile alimente le trafic d’êtres humains. (AFP)

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