L’Allemagne a rétabli, pour six mois, des contrôles à l’ensemble de ses frontières pour lutter contre l’immigration illégale, avec un risque d’effet domino et de nouvelles tensions dans le reste de l’Union européenne.
Des contrôles policiers mobiles et stationnaires avec la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Belgique et le Danemark s’ajoutent désormais à ceux déjà en place aux frontières avec la Pologne, la République tchèque, l’Autriche et la Suisse.
En principe, de tels contrôles aux frontières intérieures sont proscrits au sein de l’Espace Schengen, mais en cas de menaces pour l’ordre public ou la sécurité, ils sont possibles pour une durée de six mois, avec prolongation pour une durée totale n’excédant pas deux ans.
La mesure inquiète les élus des régions frontalières, comme ceux de Kehl et Strasbourg, villes reliées de part et d’autre du Rhin par « le pont de l’Europe », qui ont appelé à ce que les contrôles « n’entravent ni ne restreignent la mobilité, la cohabitation et la vie » de la population.
A pied d’oeuvre sur les quais du tramway transfrontalier entre les deux cités, la police allemande a promis « des contrôles intelligents, pas des contrôles systématiques mais aléatoires », selon Daniel Rosin, un de ses porte-paroles.
« Nous ne voulons pas perturber le trafic pendulaire », a-t-il insisté.
A l’extrémité orientale du pays, sur l’axe reliant l’Allemagne à la Pologne, un petit groupe d’une dizaine de manifestants s’est déployé non loin du point de contrôle de Francfort sur l’Oder avec des pancartes: « L’avenir n’est pas dans la fermeture », dit l’une ; « Mondes ouverts, esprit ouvert, frontières ouvertes », proclame une autre inscription.
« Nécessaire protection »
La Commission européenne a rappelé que des mesures de ce type « doivent rester strictement exceptionnelles » et plaidé pour qu’elles soient « proportionnées ».
Berlin a invoqué la nécessaire « protection de la sécurité intérieure contre les menaces actuelles du terrorisme islamiste et de la criminalité transfrontalière ».
Ces dernières semaines, l’Allemagne a été touchée par une série d’attaques islamistes commises par des étrangers, dont la plus meurtrière a été un attentat au couteau commis par un Syrien et revendiqué par le groupe jihadiste Etat islamique à Solingen (ouest) fin août. Il a fait trois morts.
Depuis, le gouvernement du chancelier Olaf Scholz a durci l’arsenal anti-immigration illégale, dans un contexte électoral compliqué pour lui, avec une forte poussée de l’extrême droite lors de deux scrutins régionaux début septembre.
Une troisième élection est prévue à la fin de la semaine dans le Brandebourg, région frontalière de la Pologne.
Pendant des années, l’Allemagne a mené une politique d’asile ouverte, accueillant plus d’un million de réfugiés, essentiellement syriens, en 2015-2016 , et plus d’un million d’exilés ukrainiens depuis l’invasion du pays par la Russie.
Sous la pression politique domestique, Berlin fait désormais machine arrière.
« Aucun pays au monde ne peut accueillir les réfugiés de manière illimitée », s’est justifiée la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser, même si le nombre total de demandes d’asile au cours des huit premiers mois de l’année (160.000) est en recul de 21,7% sur un an.
– La Hongrie applaudit –
« @Bundeskanzler Scholz, bienvenue au club! », a lancé sur X le Premier ministre hongrois Viktor Orban, chef de file depuis des années dans l’UE d’une ligne très dure vis-à-vis des migrants.
Aux Pays-Bas aussi, le gouvernement vient de dévoiler des projets de restrictions drastiques en matière d’asile. La coalition au pouvoir aux Pays-Bas, incluant le Parti pour la liberté (PVV), d’extrême droite, veut ainsi entamer un processus pour déroger à certaines règles européennes en la matière.
En Autriche, le ministre de l’Intérieur a déjà prévenu que Vienne « n’accepterait pas les personnes refoulées d’Allemagne ».
En première ligne, la Grèce, a jugé que « la réponse ne pouvait pas être la suppression unilatérale de Schengen et de renvoyer la balle aux pays qui ont des frontières avec l’extérieur de l’Europe ». Varsovie a parlé d’une mesure « inacceptable ».
Les travailleurs frontaliers craignent également les entraves. Le SSW, parti de la minorité danoise du Schleswig-Holstein, région allemande frontalière du Danemark, a fustigé une mesure « d’actionnisme pur », avec des effets désastreux sur les quelque 12.800 salariés qui franchissent chaque jour la frontière.
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