Les questions migratoires reviennent en force dans l’agenda européen. Les ministres de l’Intérieur de l’UE sont réunis à Luxembourg jeudi pour évoquer notamment une proposition inflammable de transfert des migrants dans des centres d’accueil de pays tiers.
Ces « hubs de retour », où seraient renvoyés des migrants illégaux dans des pays en dehors de l’UE, figurent parmi les « solutions innovantes » que les ministres des 27 sont invités à explorer lors d’un déjeuner de travail.
« Il faut qu’on n’écarte aucune solution a priori », a dit le nouveau ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau à son arrivée, à propos de cette simple piste de travail poussée par la Hongrie de Viktor Orban et l’Italie de Giorgia Meloni.
Le ministre a toutefois distingué « différents publics » de migrants, laissant entendre qu’une telle mesure ne pourrait pas s’appliquer aux « demandeurs d’asile » en France, au nom du préambule de la Constitution de 1946.
Son homologue allemande Nancy Faeser s’est montrée prudente, rappelant que les retours passent par un « accord avec un Etat (tiers) partenaire », principal « problème pratique ».
La discussion a peu de chances d’aboutir, selon des sources diplomatiques, mais elle illustre le durcissement de ton sur l’immigration en Europe, dans un contexte de poussée de l’extrême droite.
Ces « hubs » s’inspirent de l’accord controversé conclu par le gouvernement de Giorgia Meloni, cheffe du parti post-fasciste Fratelli d’Italia, avec l’Albanie, où deux centres doivent recevoir des migrants arrêtés dans les eaux italiennes.
Ils rappellent aussi le projet abandonné par la Grande-Bretagne d’expulser au Rwanda des migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni.
Plus concrètement sur le plan législatif, plusieurs pays européens réclament une révision de la « directive retour » de 2008 qui harmonise les règles en matière de reconduction aux frontières.
Une récente note des Pays-Bas et de l’Autriche sur le sujet a reçu le soutien de l’Allemagne et de la France afin de « faciliter » et « accélérer » les retours.
« Convergence » pour revoir la directive retour
Bruno Retailleau, qui en a fait son cheval de bataille et ne cesse d’afficher sa fermeté en matière migratoire, s’est réjoui d’une « convergence » européenne. Ce tenant de la droite conservatrice a plaidé pour que la directive européenne soit revue « dans les quelques mois qui viennent ».
L’immigration sera à l’ordre du jour du sommet des 17 et 18 octobre à Bruxelles, où les chefs d’Etat et de gouvernement doivent notamment aborder le renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’UE et l’accélération des retours.
Le sujet semblait pourtant balisé après l’adoption mi-mai du pacte asile et migration qui durcit les contrôles et établit un mécanisme de solidarité entre les 27 dans la prise en charge des demandeurs d’asile.
L’entrée en application de cette vaste réforme est prévue mi-2026 mais de nombreux Etats membres poussent pour aller plus loin.
A peine le pacte scellé, une quinzaine de pays, dont la Grèce et l’Italie, avaient réclamé une politique d’expulsion « plus efficace », qui « pourrait » inclure des « mécanismes » de « hubs », en dehors de l’Europe.
En 2023, 484.160 ressortissants de pays tiers ont reçu l’ordre de quitter l’UE, et 91.465 (18,9%) ont fait l’objet d’un retour effectif, selon Eurostat.
Après une série de succès électoraux de l’extrême droite, comme en Autriche tout récemment, « le sujet migratoire est de retour », souligne l’analyste Eric Maurice, de l’European Policy Centre à Bruxelles.
« Il y a un affichage politique » en Europe, « car il y a une énorme pression des partis d’extrême droite. On n’est pourtant pas dans la crise migratoire de 2015 », abonde Sophie Pornschlegel, du think-tank Europe Jacques Delors.
En début de semaine, la Hongrie du nationaliste Viktor Orban a demandé à Bruxelles une dérogation aux règles de l’UE sur l’asile, emboîtant le pas aux Pays-Bas, même si cette procédure a peu de chances d’aboutir.
« Ce n’est pas possible selon les traités » européens, a souligné Ylva Johansson, la commissaire européenne aux Affaires intérieures, à son arrivée à Luxembourg.
En Allemagne, après l’émotion suscitée par des attaques islamistes et face aux succès électoraux de l’AfD (extrême droite), le gouvernement du social-démocrate Olaf Scholz a récemment rétabli des contrôles à l’ensemble de ses frontières, pour une durée de six mois.
Entorse au principe de « libre-circulation », la décision n’est pas interdite par les règles Schengen mais a provoqué l’embarras de la Commission européenne, qui souligne que de telles mesures doivent rester « exceptionnelles » et « proportionnées ». (AFP)
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