Le Premier ministre Gabriel Attal a obtenu un sursis à Matignon en attendant la nomination de son successeur après l’échec de son camp aux législatives, mais il n’est pas près de disparaître d’un paysage politique désormais marqué par une tripartition à l’Assemblée et la perspective de la présidentielle de 2027.
Gabriel Attal, qui s’était dit prêt à être maintenu à son poste « aussi longtemps que le devoir l’exigera » dans le contexte notamment des Jeux olympiques, a remis en fin de matinée sa démission à Emmanuel Macron qui lui a demandé de rester « pour le moment, afin d’assurer la stabilité du pays ».
Le chef de l’Etat l’a également « remercié pour les campagnes des élections européennes et législatives qu’il a menées », selon la présidence.
Après avoir participé timidement à la campagne pour les élections européennes, qui se sont soldées par un échec (14,6% pour le camp présidentiel, 16 points derrière le Rassemblement national), Gabriel Attal a pris les commandes de celle des législatives pour ne pas « subir » la dissolution, a-t-il expliqué.
Certes il n’a pas réussi à éviter la défaite des macronistes mais les a sauvés de la déroute, puisque son camp est arrivé deuxième derrière la gauche et devant l’extrême droite, alors que les sondages le donnaient troisième.
« Centre de gravité »
Gabriel Attal « nous a sauvés une centaine de députés sur sa stratégie notamment de désistements », en appelant les candidats arrivés troisièmes à se retirer pour faire barrage au RN et « les députés en sont parfaitement conscients », explique un parlementaire de la majorité. Ce qui pourrait permettre au chef du gouvernement, lui-même réélu dans les Hauts-de-Seine, de conforter son ascendant sur le groupe macroniste à l’Assemblée nationale, voire d’en prendre la direction.
En désaccord avec la décision présidentielle de convoquer ces législatives anticipées, Gabriel Attal s’est nettement distancié du chef de l’Etat. « Cette dissolution, je ne l’ai pas choisie, mais j’ai refusé de la subir », a-t-il expliqué dimanche.
Gabriel Attal, 35 ans, avait déjà pendant la campagne appelé les Français à le « choisir » pour Matignon car, assurait-il, il y aurait « un avant et un après (législatives) dans la pratique du pouvoir ». En l’occurrence, le « centre de gravité » du pouvoir est désormais « entre les mains du Parlement », a-t-il souligné dimanche.
Il a aussi argué du « lien tissé » entre lui et les Français pendant la campagne, fruit d’une popularité restée forte, qui lui a permis de rejoindre dans les sondages celle du président de la formation Horizons Edouard Philippe.
– Composer –
Mais les obstacles ne vont pas manquer sur sa route de l’après Matignon, où il avait été nommé il y a six mois.
Même s’il a pris « une longueur d’avance », selon un cadre de la majorité, Gabriel Attal devra « composer » à l’automne avec d’autres poids lourds de l’ex-majorité.
Devraient aussi siéger au Palais Bourbon Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur sortant, qui avait contesté sa stratégie sur les désistements en prônant le « ni RN, ni LFI », ou encore Yaël Braun-Pivet, présidente sortante de l’Assemblée, à qui sont prêtées des ambitions présidentielles.
Lundi, Gabriel Attal s’est entretenu à Matignon notamment avec Mme Braun-Pivet. Il a en outre invité l’ensemble des parlementaires Renaissance mardi soir à Matignon, selon une source parlementaire.
Cette défaite et l’absence de majorité absolue pour les trois principaux blocs risquent de raviver les tensions entre l’aile gauche et l’aile droite du camp présidentiel, qui entendent peser dans le choix du futur gouvernement, dont la composition pourrait prendre des semaines.
L’ancienne majorité « ressort affaiblie et abîmée parce que des gens ont des stratégies et des ambitions », résume un cadre de la majorité.
Côté aile droite, Gérald Darmanin a réuni lundi midi environ 25 députés proches de lui, selon une source parlementaire. « Personne n’a gagné » les élections, a-t-il dit en arrivant à l’Assemblée lundi, en invitant le PS à « rompre avec LFI ».
Bruno Le Maire, ministre sortant de l’Economie, qui réunira lui aussi des parlementaires à 18H00, a mis en garde contre le risque de « déclin économique de la France » généré par la « nouvelle donne », en clair la victoire de l’alliance de gauche.
Quant à l’aile gauche de Renaissance, elle manifeste des velléités de s’émanciper après avoir été « bridée pendant sept ans », selon l’un de ses représentants. (AFP)