Après dix mois de négociations harassantes, l’Union européenne et le Royaume-Uni ont annoncé jeudi un accord historique sur leur future relation commerciale, qui leur permettra d’éviter in extremis un « no deal » dévastateur pour leurs économies en fin d’année.
« Cet accord protégera les intérêts européens et cet accord est aussi, je le crois, dans l’intérêt du Royaume-Uni », s’est félicitée la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors d’une conférence de presse. « Il posera les fondations solides d’un nouveau départ avec un ami de longue date », a-t-elle ajouté, saluant un « bon accord, « équilibré » et « juste ».
« L’accord a été trouvé », a pour sa part twitté le Premier ministre britannique Boris Johnson, accompagné d’une photo de lui exultant, bras écartés et pouces levés.
L’aboutissement de ces laborieuses discussions, débutées en mars, et marquées par un forcing ces dernières 24H00, permettra aux deux parties de s’épargner un « no deal » aussi embarrassant sur le plan politique que dommageable au niveau économique.
Les négociations étaient depuis lundi entre les mains d’Ursula von der Leyen et du Premier ministre britannique Boris Johnson, qui ont échangé à plusieurs reprises pour tenter de sortir de l’impasse sur la pêche, ultime point d’achoppement des discussions.
Malgré son faible poids économique, le secteur revêt une importance politique et sociale pour plusieurs Etats membres, dont la France, les Pays-Bas, le Danemark ou l’Irlande. Mais les Britanniques, qui reprennent le contrôle de leurs eaux, en avaient fait le symbole de leur souveraineté retrouvée après le divorce.
Accompagner les pêcheurs
Les tractations se sont concentrées sur le partage des quelque 650 millions d’euros de produits pêchés chaque année par l’UE dans les eaux britanniques et sur la durée de la période d’adaptation pour les pêcheurs européens.
Le négociateur européen Michel Barnier a promis que l’UE serait « au côté des pêcheurs européens pour les accompagner ».
Il a souligné qu’il y aurait, malgré cet accord, « de vrais changements » au 1er janvier « pour beaucoup de citoyens et d’entreprises ». « C’est la conséquence du Brexit », a-t-il insisté.
L’accord entre la Commission européenne et le Royaume-Uni devra encore être validé par les Etats membres, un processus qui devrait prendre plusieurs jours.
Il reste en théorie suffisamment de temps pour qu’un éventuel traité entre en application provisoire le 1er janvier, quand le Royaume-Uni, qui a officiellement quitté l’UE le 31 janvier dernier, aura définitivement abandonné le marché unique.
Le texte, de près de 2.000 pages, serait alors validé a posteriori par le Parlement européen.
Sans accord, les échanges entre l’UE et Londres auraient été régis par les seules règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), synonymes de droits de douane, de quotas, ainsi que de formalités administratives susceptibles d’entraîner des embouteillages monstres et des retards de livraison.
Un scénario noir pour le Royaume-Uni, déjà malmené par une variante plus virulente du coronavirus qui l’a isolé du reste du monde.
Les autres sujets problématiques –la manière de régler les différends et les mesures de protection contre toute concurrence déloyale– avaient été réglés ces derniers jours.
Accord « bienvenu »
La conclusion d’un texte en à peine dix mois –quatre ans et demi après le référendum de juin 2016 sur le Brexit– constitue une prouesse pour Londres et Bruxelles, surtout pour un accord de cette envergure qui prend en général des années.
Deux ans et demi avaient été nécessaires pour négocier le traité de retrait scellant le départ britannique, conclu fin 2019, un texte fournissant une sécurité juridique aux expatriés des deux côtés de la Manche et des garanties pour le maintien de la paix sur l’île d’Irlande.
Le Premier ministre irlandais Micheal Martin, dont le pays aurait été en première ligne en cas de « no deal », a d’ailleurs salué un accord « bienvenu ».
Avec cet accord, l’UE offre à son ancien Etat membre un accès inédit sans droit de douane ni quota à son immense marché de 450 millions de consommateurs.
Mais cette ouverture sera assortie de strictes conditions: les entreprises d’outre-Manche devront respecter un certain nombre de règles évolutives au fil du temps en matière d’environnement, de droit du travail et de fiscalité pour éviter tout dumping. Des garanties existent aussi en matière d’aides d’Etat.
Un mécanisme permettra aux deux parties d’activer rapidement des contre-mesures, comme des droits de douane, en cas de divergences sur ces normes.
Sans accord, le Royaume-Uni aurait perdu beaucoup plus que l’Europe: les Britanniques exportent 47% de leurs produits vers le continent, quand l’UE n’écoule que 8% de ses marchandises de l’autre côté de la Manche. (AFP)
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